mercredi 5 novembre 2008

vendredi 21 mars 2008

Couverture


Pour comprendre la couverture, il faut distinguer:
- L'étui de carton
- La page frontispice


L'étui de carton, sans écriture, recouvre partiellement la page frontispice laissant voir le titre: Refus global, écrit verticalement.
Une aquarelle de Jean-Paul Riopelle le recouvre.

La page frontispice comprend, outre le titre Refus global, un poème de Claude Gauvreau.




mercredi 19 décembre 2007

Montréal matin, 14 septembre 1948



Notes de lecture
Refus global
par Roger Duhamel

Un livre? Ce serait beaucoup dire. Plus exactement, un certain nombre de feuilles miméographiées sur lesquelles divers collaborateurs appartenant à la même école de pensée (?) ont exprimé leurs vues. Il s'agit de préconiser l'art nouveau, l'art vivant, l'art adapté à notre temps, et de rejeter toutes les vieilles formules désuètes et caduques. Jusque là, il ne devrait pas être difficile de faire l'unanimité parmi les gens qui comprennent depuis longtemps la nécessité d'une incessante découverte. Encore faut-il ne pas perdre complètement la tête.

Dans ce groupe de novateurs, il faut faire une place de choix à Claude Gauvreau, qui a beaucoup d'avenir dans la loufoquerie. «Au cœur des quenouilles» est une espèce de dialogue symbolique où l'on trouve des perles comme celles-ci: «La rivière naine comme un corps de nouille et les quenouilles. Je suis poursuivi, je suis poursuivi, poursuivi un homme, un poursuivi, poursuite, poursuivie, un homme poursuivi». Et plus loin: «Comme des jambons qui pendent, comme des jambons qui pendant dans une étale (sic) de boucher dans mon cerveau». Il y a aussi «Bien-être», qui veut être une pièce et qui a même, chose plaisante, été interprétée, sans doute dans la plus stricte intimité. Voici comment l'Homme s'adresse à la Femme: «Les bourgeons grimacent dans le lac acidulé mais le frémissement de la dent turque surnage dans les catacombes ombrées. Supérieure vie! Délire d'acide! Les cônes parallèles déposés sur le cercle sphérique, et la mousse d'écume comme le mercure, l'éponge ambrée», etc. Quelle épouse ne serait pas ravie d'entendre son mari lui dire: «Femme aux ongles de chocolat, aux cils d'armistice, tu es à moi. Je suis le phoque qui a plongé dans les ruisseaux de sirop». Marivaudage nouveau genre... Mais il devient plus tendre: «Oreille de femme et peau de cochon rose». Elle aussi s'abandonne à un lyrisme un peu déroutant: «Égrenez les grains faites uriner les sculptures! À mort, tapisserie! J'ai mon homme». Comment quitter cette œuvre sans s'émouvoir devant «la mort des captifs dans les marres de jus de tomate» et «les fox-terriers plongés dans les contrats de mariage orthodoxes»? Gauvreau se dépasse lui-même dans «L'ombre sur le cerceau»; les mots en folie ne lui suffisent plus, il en invente au gré de sa fantaisie délirante. On n'a que l'embarras pour choisir entre ces versets: «Ta Cléonte breltchère dans sa nuée populiste et bouleversement, ce manteau frénétique volant acariâtre et diaphane, blanc, blanc, blanc, doigts de pied noirs sur cette carie, sur cette euphémie le croisement des croix fidèles et la toux akchou ékribitchou ploum ploum des cordailles d'amiante créfiche». (Gare, ô typo, à l'orthographe!).

Les textes de Bruno Cormier et de Françoise Sullivan, sans être d'une luminosité cristalline, indiquent néanmoins leurs intentions. On y trouve la volonté d'une recherche, assez égarée, mais qui n'en demeure pas moins sympathique. Différentes planches ornent ce cahier; elles sont une précieuse illustration des tendances que partagent ces jeunes gens, désireux de s'affranchir de toute contrainte et de s'avancer dans des voies inconnues.

J'ai gardé pour la fin le manifeste du groupe, rédigé par Paul-Émile Borduas, qui n'est pas un inconnu et qui a déjà fourni les preuves de son indiscutable talent de peintre. Il est moins heureux dans ce pamphlet, même s'il écrit de façon très intelligible, bien que maladroite, son rejet de toutes les autorités établies. Il y a, dans sa diatribe, de la vigueur, de l'injustice, du préjugé, de la hargne. Borduas a une façon toute personnelle de juger le groupe ethnique auquel il appartient: «Petit peuple issu d'une colonie janséniste, isolé, vaincu, sans défense contre l'invasion de toutes les congrégations de France et de Navarre, en mal de perpétuer en ces lieux bénis de la peur (c'est le commencement de la sagesse!) le prestige et les bénéfices du catholicisme malmené en Europe. Héritières de l'autorité papale, mécanique, sans réplique, grands maîtres des méthodes obscurantistes nos maisons d'enseignement ont dès lors les moyens d'organiser en monopole le règne de la mémoire exploiteuse, de la raison immobile, de l'intention néfaste». Ces quelques lignes doivent suffire à situer l'axe de ce refus total. Anticléricalisme de commis-voyageur, qui indique une méconnaissance hautaine de la situation, Borduas est donc le maître à penser de ces jeunes qui refusent l'idée et la pensée, préférant s'abandonner à l'automatisme de leurs instincts. On souhaite qu'ils n'aient aucun talent, car ils seraient irrémédiablement fourvoyés dans des voies sans issue. À moins qu'il ne s'agisse que d'une crise passagère de puberté intellectuelle...
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Mithra-Mythe Éditeur, Saint-Hilaire 1948.

Le Devoir, 4 décembre 1948

vendredi 14 décembre 2007

jeudi 13 décembre 2007